« Sept jours dans la vie de Leibniz », de Michael Kempe : la chronique « histoire » de Roger-Pol Droit

L’EFFERVESCENT MONSIEUR LEIBNIZ

Il n’arrête jamais, pense nuit et jour, même endormi. Et il invente sans fin, griffonnant du matin au soir, interminablement. Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716), en soixante-dix ans d’acti­vités tous azimuts, révolutionne les mathématiques, esquisse mille et une machines et innovations techniques, élabore un système métaphysique sans équivalent. Malgré tout, il ne joue pas plusieurs rôles. S’il ne se fixe nulle part, s’il refuse obstinément de s’enfermer dans une discipline unique ou une fonction stable, il ne change jamais de regard. Ce qu’il voit, et tente d’explorer toujours pour mieux innover, c’est l’interconnexion des mondes. Ils paraissent disjoints à l’observateur superficiel. Pas à lui.

Bien que son nom figure en bonne place au panthéon des philosophes, l’œuvre de Leibniz est aujourd’hui trop peu appréciée dans son ­ampleur et sa diversité. Pour s’en faire une première idée, rien ne vaut l’excellent récit de Michael Kempe, Sept jours dans la vie de Leibniz. L’historien connaît bien le génie touche-à-tout : il dirige les Archives Leibniz à l’Académie des sciences de Göttingen (Allemagne). Mais cet érudit est également un conteur attentif aux détails quotidiens et à leur portée philosophique. Il n’accumule donc pas gratuitement des notations pittoresques évoquant les lieux où vit Leibniz, ce qu’il mange et boit, les bruits et les odeurs qui l’entourent. Au ­contraire, il relie très ingénieusement ces « petites perceptions » à l’élaboration de ses pensées. D’une manière conforme à l’apport original du maître, pour qui rien n’est séparé du Tout ni dépourvu de sens.

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